Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/57

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départ exercèrent peu d’influence sur les nations du Sud, tandis que le torrent arabe, même après qu’il se fût écoulé, réchauffa l’atmosphère septentrionale. L’histoire de l’architecture gothique est celle du raffinement et du spiritualisme infusés à l’art du Nord par l’influence arabe. Elle dirigea les écoles lombardes d’où sortirent les plus nobles monuments du monde : le Gothique du Nord, issu de la même origine, subit moins directement l’influence de l’art arabe.


Sachant tout cela, nous suivrons sans difficulté la trace des architectures qui se succédèrent à Venise. Le premier élément fut le chrétien-roman dont il reste peu de vestiges, la ville actuelle n’ayant été, à son origine, qu’un des établissements formés dans les îles marécageuses qui s’étendent de l’embouchure de l’Isonzo à celle de l’Adige : ce n’est qu’au début du IXe siècle qu’elle devint le siège du gouvernement. La cathédrale de Torcello, quoique sa forme soit du style chrétien-roman, fut reconstruite au XIe siècle et l’on y reconnaît dans maints détails le travail des ouvriers byzantins. Cette cathédrale cependant avec les églises Santa-Fosca, à Torcello, San Giacomo di Rialto, à Venise, et la crypte de Saint-Marc forment un groupe distinct de constructions dans lesquelles l’influence byzantine est fort légère et qui représentent suffisamment l’architecture première des îles.


La résidence du Doge fut portée à Venise en 809 et le corps de saint Marc y fut apporté vingt ans après, venant d’Alexandrie. La première église de Saint-Marc fut sans doute une imitation de celle d’Alexandrie qui avait consenti à donner les reliques du saint. Pendant le ixe, xe et xie siècles, l’architecture de Venise fut celle du Caire sous les califes : les ouvriers étaient byzantins, mais ils