Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/97

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La chaire est pourtant digne d’être examinée. Elle est soutenue par quatre colonnettes séparées, entre les deux piliers au nord de l’écran. Ces colonnettes forment, avec la chaire et son escalier, une masse compacte de maçonnerie revêtue de marbres sculptés ; la rampe est faite de solides blocs apportés du continent qui, n’étant pas de mesure, ont été rognés par l’architecte sans qu’il se préoccupât de la symétrie de leurs dessins primitifs.

À la porte latérale aussi, deux croix prises sur des panneaux richement sculptés, ont été arbitrairement coupées, sans souci du dessin originel, comme on coupe un échantillon dans une pièce de soierie. Les sculptures romanes, d’ailleurs, étant surtout destinées à l’embellissement, étaient souvent dénuées de signification et, quand elles en avaient une, elle n’était pas toujours comprise. Il s’agissait, avant tout, d’enrichir la surface ; le marbre sculpté devenait, entre les mains de l’architecte, ce qu’est un morceau de dentelle ou de broderie entre les mains d’une couturière. À la réflexion, on reconnaît que cela n’indique pas forcément des sentiments bas, on peut y lire aussi le désir d’imiter ou même de surpasser des fragments employés sans ordre : le constructeur, grâce à son inépuisable fertilité, pensait sans doute pouvoir aisément les égaler.

Il est à supposer que si l’architecte n’avait pas eu ces marbres à employer, il eût laissé cette chaire toute simple. Supportée, comme je l’ai dit, par quatre minces colonnes, elle s’étend entre les deux piliers de la nef, de façon à laisser au prédicateur une grande liberté d’action. Au milieu de sa façade arrondie, une colonnette soutient un étroit pupitre de marbre destiné à recevoir le livre renfermant le sermon.

La disposition de la chaire peut avoir son influence sur l’effet produit par un sermon : tous ne sauraient être