Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec des jouets de scorpions[1]. Par-dessus tout, une nation ne peut pas durer si elle n’est qu’une foule qui ne s’occupe que d’argent, elle ne peut pas, sans être punie, elle ne peut pas, sans cesser d’être, continuer à mépriser la littérature, à mépriser la science, à mépriser l’art, à mépriser la nature, à mépriser la compassion, et à concentrer son âme sur les Pence. Croyez-vous que ce soient là des paroles dures ou irréfléchies ? Ayez seulement encore un peu de patience et je vous prouverai leur vérité point par point.

32. Je dis d’abord que nous avons méprisé la littérature. En quoi, comme nation, avons-nous souci des livres ? Combien croyez·vous que nous tous réunis nous dépensions pour nos bibliothèques publiques ou privées, comparativement à ce que nous dépensons pour nos chevaux[2] ? Si un homme fait des prodigalités pour sa bibliothèque, vous le traiterez de fou, de bibliomane ; mais vous n’appelez jamais personne hippomane, bien que des hommes se ruinent chaque jour pour leurs chevaux et que vous n’entendiez jamais parler de gens qui se ruinent pour leurs livres. Ou pour descendre plus bas encore, combien croyez-vous que le contenu des bibliothèques du Royaume Uni, publiques et privées, rapporterait, relativement à ses caves ? Quel rang occuperait sa dépense pour la lit-

  1. Allusion probable mais vague à Rois, xii, 14, discours que tient Roboam, contrairement aux conseils des vieillards, mais conforme au conseil des jeunes gens qui lui avaient dit : « Dis-leur : mon père vous a châtiés avec des fouets, mais moi je vous châtierai avec des fouets garnis de pointes. » (Note du traducteur.)
  2. Cf. Munera Pulveris, 65. (Note de l'auteur.)