Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/109

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mais d’un geste ininterrompu et sans effort, comme dans un rêve. Un chœur d’anges chantants par La Robbia ou Donatello eût été attentif à sa musique ou ardemment transporté par elle comme dans un effort passager : dans les petits chœurs de chérubins, par Luini, dans l’Adoration des Bergers, de la cathédrale de Côme, nous sentons même, à leur anxiété consciencieuse, qu’ils pourraient bien faire une fausse note s’ils étaient moins attentifs. Mais les anges de Bellini, même les plus jeunes, chantent avec autant de calme que les Parques filent.

Laissez-moi ici vous faire remarquer que ce calme est l’attribut de la plus haute espèce d’art. L’introduction d’un incident vigoureux ou violemment émouvant est toujours un aveu d’infériorité.

Tels sont les deux premiers attributs de l’art le meilleur. Une facture impeccable et une parfaite sérénité, une action continue, non pas momentanée — ou une inaction entière. Vous devez être intéressé à la vie même des créatures, non à ce qui leur arrive. Ensuite, le troisième attribut de l’art le meilleur est qu’il vous incline à songer à l’âme de la créature et par conséquent à sa physionomie plus qu’à son corps. Et le quatrième est que, dans la physionomie, vous devez être toujours amené à voir seulement la beauté ou la joie, jamais la bassesse, le vice ou la douleur. Telles sont les quatre conditions essentielles du plus grand art. Je les répète pour qu’elles soient aisément apprises :

1. Une main-d’œuvre impeccable et durable ;

2. La sérénité dans le repos ou dans l’action ;

3. La figure considérée comme le principal, non le corps ;

4. Et la figure affranchie de tout vice ou douleur.