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Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/159

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les âmes ferventes ou mystiques, que les grandeurs de la charité ont déjà conduites à l’esthétique de la parure, viennent maintenant à l’esthétique de la plante et de la fleur, ressuscitées au printemps en même temps que le Christ et parées de belles couleurs grâce à sa fine clairvoyance d’artiste, et à ses divines sollicitudes de jardinier :

Viens dans le jardin, Maud,
Car cette chauve-souris noire, la nuit, s’est envolée,
Et le chèvrefeuille répand ses parfums,
Et le musc des roses est dans l’air.

Ne descendrez-vous point parmi elles ? parmi ces douces choses vivantes dont le jeune courage jailli de la terre, en portant la couleur intense du ciel, fait monter la vigueur de joyeux épis ? et dont la pureté, lavée de la poussière, s’ouvre, bouton par bouton, pour devenir la fleur de la promesse, — et se tournant encore vers vous et pour vous, « le pied-d’alouette chuchote : j’entends, j’entends, et le lys murmure : j’attends ».

Avez-vous remarqué que j’ai passé deux lignes quand je vous ai lu cette première stance et pensez-vous que je les aie oubliées ?

Viens dans le jardin, Maud,
Car cette chauve-souris noire, la nuit, s’est envolée,
Viens dans le jardin, Maud,
Me voici à la porte, tout seul.

Qui est-ce, pensez-vous, qui se tient seul à la porte d’un jardin plus doux encore, vous attendant ? Avez-vous entendu parler non d’une Maud, mais d’une Madeleine, qui descendit à son jardin, à l’aurore, et trouva quelqu’un à la porte, qu’elle supposa être le jardinier ? Ne l’avez-vous pas cherché souvent, Lui, cherché en