Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/23

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ce monde chercha aussitôt un peu de sommeil. Il fallait être debout le lendemain matin pour le service, car on était dans la nuit d’un samedi à un dimanche.

Les noms que l’hôtelier inscrivit le lendemain sur son registre n’avaient rien que d’obscur et les renseignements qu’il pouvait obtenir du courrier, Salvador, sur ses nouveaux clients, que de banal. Si on lui eût dit que M. John James Ruskin, le gentleman en question, était marchand de vins dans la Cité et avait son nom dûment et honorablement gravé sur une plaque de cuivre de Billiter Street en tête de la raison sociale, Ruskin, Telford, and Domecq ; qu’il était un des plus grands importateurs de sherry de son époque et un des plus intègres négociants de son pays ; que la dame descendue avec lui à l’hôtel était sa femme, née miss Margaret Cox, le jeune garçon, John, son fils unique, et la petite fille, Mary, une nièce orpheline ; et que tout ce monde était tory et jacobite en politique, presbytérien en religion, — on n’eût rien dit que de vrai, et pourtant ce n’eût point été là de quoi intéresser l’histoire de l’art. Il eût fallu ajouter que cette famille, d’ailleurs un peu sauvage, ne vivait guère que pour la contemplation des beautés de la nature et que l’enthousiasme esthétique était sa principale occupation.