Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/27

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Je n’avais pas le moindre goût pour les faire pousser ou pour en prendre soin, pas plus que pour soigner des oiseaux ou des arbres, ou le ciel ou la mer. Tout mon temps se passait à les contempler. Poussé non par une curiosité morbide, mais par une admiration étonnée, je mettais chaque fleur en pièces jusqu’à ce que je connusse tout ce que j’en pouvais connaître avec mes yeux d’enfant. »

Timide dans le monde autant que triomphant dans son office, M. John James Ruskin vivait fort isolé, dans la compagnie seulement des personnages légendaires ou romanesques de ses auteurs favoris. Quant à sa femme, élevée dans un milieu inférieur à celui des Ruskin, mal à son aise avec ses nouvelles relations, trop intelligente pour l’ignorer, trop fière pour le souffrir, elle avait pris le parti d’oublier le monde. C’était, d’ailleurs, une mère évangélique et dévouée, avec le Trésor du chrétien sur sa table et la haine du pape dans son cœur, détestant le théâtre et aimant les fleurs, « unissant l’esprit de Marthe à celui de Marie », infatigable, ordonnée, ne vivant que pour son mari et pour son fils, capable d’aller demeurera Oxford, en étrangère, pour ne pas abandonner celui-ci durant ses années d’université, veillant constamment à écarter de lui toute douleur, au risque de