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Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/305

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ruinées. Le second ne voit dans le ciel de ses cadres que l’azur des billets de banque qu’ils lui ont coûtés, et ses yeux cherchent obstinément, au coin de la toile, comme on la cherche au bas d’un chèque, la signature qui lui donne toute sa valeur. Pour posséder réellement les œuvres d’art et les jouissances qu’elles procurent, ce n’est pas de les payer qu’il faut : c’est de les comprendre. Ce n’est pas de leur ouvrir sa bourse, c’est de leur ouvrir son âme et, pour cela, d’avoir une âme à leur ouvrir. Ces jouissances qui, elles, sont de véritables richesses, ce n’est pas l’or qui les donne, — c’est l’amour.

Enfin, est-ce en accumulant de l’or qu’on acquiert des amitiés plus sûres, des sympathies plus insoupçonnées, des poignées de mains plus franches, des affections plus sincères, — c’est-à-dire un repos d’âme et de cœur, une confiance dans la vie, qui colore la vie des plus gaies couleurs ? Il est banal de constater que non. L’argent, en même temps qu’il groupe autour du riche plus d’amis, éveille en lui plus de doutes sur l’amitié, en même temps qu’il fait bruire à ses oreilles plus d’éloges, fausse de plus en plus la musique des éloges ; et ces mains qu’on lui tend de toutes parts sont comme ces mains que vous tendent les statues, — prêtes à recevoir, mais mains de marbre, incapables de