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Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/317

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il doit se faire tuer ? C’est la principale question qui se pose pour le marchand, comme pour chacun de nous, car, en vérité, l’homme qui ne sait pas dans quelle occasion il doit mourir, ne sait pas de quelle façon il doit vivre ! »

Eh bien, pour le marchand, qui devient de plus en plus considérable dans le monde moderne, pour le patron, pour l’industriel, qui est de nos jours un vrai conducteur d’hommes, il y a des occasions de dévouement à la chose commune. Il y a des circonstances où il peut montrer une abnégation semblable à celle du soldat et qui le relèverait au niveau du soldat, — s’il savait comprendre le devoir social, comme on comprend le devoir militaire et le remplir. Et lorsque le devoir social est de sacrifier la richesse plutôt que de ruiner les concurrents ou que de réduire les salaires des ouvriers, — il devrait le faire.

Car à quelque point de vue qu’on se place, au point de vue de l’esthétique de la nature que la spéculation souille et enlaidit, ou au point de vue du bonheur des petites gens qu’elle rançonne et qu’elle écrase, — la richesse est un mal. Un pays soi-disant riche n’est pas plus un pays heureux qu’un beau pays. Et le culte de Mammon est aussi impossible à concilier avec la justice sociale qu’avec la religion de la Beauté.