Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/321

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et par la coercition contre le vice, par la grâce et par la force, par l’or et par le fer. L’or, il faut le jeter à pleines mains, comme sur la tombe antique le poète jette des lys, comme sur les gazons de Botticelli, le Printemps jette des roses. Ce qu’on donne aujourd’hui n’est rien : il faut tout donner. Les économistes sont satisfaits des palliatifs que la charité publique ou privée offre aux pauvres ; ils nous montrent avec orgueil des hôpitaux, des maisons de retraite, des asiles infantiles, des dispensaires. Qu’est-ce que cela ? et pourquoi, si c’était quelque chose, voici tant de figures émaciées dans nos faubourgs, tant de membres déjetés, tant de faces livides dans nos prisons ? Comment la société peut-elle parler de charité quand il y a encore tant d’injustice, ou de beaux-arts quand il y a encore tant d’horribles vies ? Tant que des êtres humains peuvent encore avoir froid ou faim dans le pays qui nous entoure, non seulement il n’y a pas d’art possible, mais il n’est pas possible de discuter que la splendeur du vêtement et du mobilier soit un crime ! Mieux vaut cent fois laisser s’effriter les marbres de Phidias et se faner les couleurs des femmes de Léonard que de voir se flétrir les traits des femmes vivantes et se remplir de larmes les yeux des enfants qui vivent ou qui pourraient vivre si la misère ne les