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Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/332

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propres instincts tyranniques et de ses préjugés dominateurs. Avant d’être libre des autres, il faut être libre de soi. À quoi bon briser des chaînes tout extérieures si l’on reste lié par les entraves que des goûts vicieux mettent à tout ce qu’on tente ? Qu’est-ce que nous ferons de l’espace, si nous n’avons pas de jambes pour le parcourir ? On crie contre le despotisme,... est-on capable de liberté ? « Oui, la touche de Tintoret, de Luini, de Corrège, de Reynolds, de Velazquez est aussi libre que l’air et cependant est juste, mais c’est une discipline héritée de cinq cents ans d’efforts qui leur permet d’être libres et de faire des chefs-d’œuvre. Obéissez et vous serez libres aussi, à votre tour, mais dans les petites choses comme dans les grandes, c’est seulement dans un juste service qu’est une parfaite liberté. »

Ce juste service seul peut, dans la vie, triompher de la misère comme, dans l’art, il triomphe de la laideur. C’est seulement par le travail assidu chez le pauvre et par la proscription de tout luxe et de toute dépense improductive chez le riche que l’on peut arriver à restituer la santé, la vigueur, la grâce parmi les corps qui souffrent, — c’est-à-dire la Beauté. Et ici encore peut-être que le culte des choses belles est le plus sûr guide vers la solution des problèmes qu’on appelle sociaux.