Aller au contenu

Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

choses visibles ne sont que des états passagers. Dans la combustion, nous voyons les choses se transformer entièrement, tandis que leur flamme et leur chaleur s’élèvent et se dissipent dans l’air.

« Ce monde, qui est le même pour tous, dit-il, aucun des dieux ou des hommes ne l’a fait. Mais il a toujours été, il est et sera toujours un feu éternellement vivant, qui s’allume avec mesure et s’éteint avec mesure. »

« Les transformations du feu sont, en tout premier lieu, mer ; et la moitié de la mer est terre, la moitié vent tourbillonnant. »

Cette thèse a beau être rejetée par la science, elle n’en a pas moins un caractère scientifique. C’est encore la science qui a pu inspirer le fameux passage auquel Platon fait allusion :

« Tu ne peux pas descendre deux fois dans les mêmes fleuves car de nouvelles eaux coulent toujours sur toi. » Mais on trouve aussi parmi les fragments subsistants cet autre aphorisme : « Nous descendons et ne descendons pas dans les mêmes fleuves ; nous sommes et ne sommes pas. »

La comparaison de cet aphorisme qui est mystique, avec celui que cite Platon, et qui est scientifique, met en lumière la relation intime qui unit les deux tendances dans le système d’Héraclite. Le mysticisme n’est, en fait, rien de plus qu’un sentiment d’une intensité et d’une