Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/19

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croyances qu’illustrent les doctrines que nous venons de considérer.

Il y a d’abord la préférence donnée à l’intuition sur la connaissance analytique et discursive : la croyance en un mode de connaissance immédiate, profonde et qui s’impose, par opposition à l’étude lente et incertaine de l’apparence extérieure, par l’intermédiaire d’une science qui se fonde uniquement sur les sens. Ceux qui savent s’absorber dans une passion intérieure doivent connaître, parfois, ce sentiment étrange de l’irréalité des choses ordinaires, et cette rupture de contact avec les choses quotidiennes, qui fait perdre au monde toute stabilité, où il semble que ce soit l’âme, entièrement isolée, qui fasse sortir du plus profond d’elle-même une fantasmagorie déchaînée d’ombres qui, jusqu’ici, se sont montrées réelles et vivantes en elles-mêmes. C’est là l’aspect négatif de l’initiation mystique : le doute à l’égard de la connaissance ordinaire, qui prépare à recevoir ce qui semble une sagesse plus haute. Beaucoup d’hommes, à qui cette expérience négative est familière, ne vont pas plus avant ; mais, aux yeux du mystique, elle ne représente que le seuil d’un monde plus vaste.

L’intuition mystique commence par le sentiment d’un mystère dévoilé, d’une connaissance cachée, brusquement devenue certaine, sans que le moindre doute puisse s’élever. Le sen-