Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/25

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et la raison ; au XVIIIe siècle, on prenait parti pour la raison, mais, sous l’influence de Rousseau et du mouvement romantique, la préférence fut donnée à l’instinct ; d’abord, par ceux que révoltaient les formes artificielles de gouvernement et de pensée ; ensuite, à mesure qu’augmentaient les difficultés de la défense purement rationaliste de la théologie traditionnelle, par tous ceux qui voyaient la science menacer des croyances qu’ils associaient à une conception spirituelle de la vie et du monde. Bergson a élevé l’instinct, sous le nom d’intuition, au rang de seul arbitre de la vérité métaphysique. Mais, en réalité, l’opposition entre l’instinct et la raison est presque entièrement illusoire. L’instinct, ou l’intuition, est ce qui conduit d’abord aux croyances que la raison confirme ou infirme par la suite mais la confirmation, lorsqu’elle est possible, consiste, en dernière analyse, dans un accord avec d’autres croyances qui ne sont pas moins instinctives. La raison est synthèse et contrôle, plutôt que puissance créatrice. Jusque dans le domaine de la plus pure logique, c’est l’intuition qui, la première, appréhende le nouveau.

Les conflits de l’instinct et de la raison s’élèvent parfois au sujet de croyances instinctives particulières, si fortement enracinées que leur désaccord avec d’autres croyances, quelque