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Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/36

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et de la vie quotidienne, que de le convaincre d’irréalité en faveur d’un monde supra-sensible « réel ».

C’est ainsi qu’ont traité de la logique ceux d’entre les grands philosophes qui furent mystiques. Mais du moment qu’ils tenaient pour accordée la prétendue intuition du sentiment mystique, leurs doctrines logiques étaient présentées avec une certaine sécheresse, et passaient, aux yeux de leurs disciples, pour entièrement indépendantes de l’illumination soudaine dont elles résultaient. Néanmoins leur origine s’attacha à elles, et elles demeurèrent — pour emprunter un mot utile à M. Santayana — « malignes » aux yeux du monde de la science et du sens commun. Ce n’est que de cette façon que s’explique la facilité avec laquelle les philosophes ont accepté le désaccord de leurs doctrines et des faits ordinaires et scientifiques qui semblent le mieux établis et le plus dignes de confiance.

La logique du mysticisme révèle, ainsi qu’il est naturel, les vices inhérents à tout ce qui est « malin ». La tendance logique, que l’on ne sent point, tant que dure l’état mystique, s’affirme de nouveau aussitôt qu’il faiblit, mais avec le désir de retenir l’intuition qui disparaît, ou du moins de prouver que c’était vraiment l’intuition, et que ce qui semble la contredire n’est qu’illusion. La logique qui naît ainsi n’est pas entiè-