Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/47

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et le mal sont subjectifs, que le bien n’est que ce qui nous inspire un certain sentiment, et le mal ce qui nous inspire un sentiment contraire. Dans la vie pratique où nous avons un choix à exercer, et à nous décider entre deux actes également possibles, il est nécessaire de distinguer le bien du mal, ou, du moins, le meilleur du pire. Mais cette distinction, comme tout ce qui appartient à l’action, fait partie de ce que le mysticisme considère comme le monde de l’illusion, ne serait-ce que parce que le temps y est essentiel. Dans notre vie spéculative, où l’action n’a pas à intervenir, il est possible d’être impartial, et de déposer le dualisme qui impose l’action. Tout le temps que nous serons purement impartiaux, nous pourrons nous contenter de dire que dans l’action tant le bien que le mal sont des illusions. Mais si le monde entier nous paraît digne d’amour et d’adoration, comme il arrive dans l’état mystique, si nous voyons

« La terre et toutes les choses ordinaires…
Parées de lumière céleste »

nous dirons qu’il y a un bien supérieur à celui de l’action, et que ce bien supérieur appartient au monde entier, tel qu’il est en réalité. De cette façon, l’attitude équivoque et l’hésitation apparente du mysticisme s’expliquent et se justifient.