Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/77

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image du but vers lequel tend tout ce labeur. Mais lorsque, comme il arrive souvent, cette réponse semble froide, lorsque le spectacle des douleurs auxquelles nous n’apportons aucun secours nous rend presque fous, songeons alors qu’indirectement le mathématicien fait souvent plus pour le bonheur humain que n’importe lequel de ses contemporains, dont l’activité est plus pratique. L’histoire de la science montre surabondamment qu’un ensemble de propositions abstraites, lors même qu’elles n’auraient d’effet sur la vie pratique que deux cents ans après leur découverte, comme les sections coniques, peut cependant, à un moment donné, être la cause d’une révolution dans la manière de penser et de vivre de tous les hommes.

Les applications de la vapeur et de l’électricité — pour prendre des exemples frappants — ne sont possibles que grâce aux mathématiques. Le monde possède dans les résultats de la pensée abstraite un capital dont l’emploi dans le patrimoine commun n’a pas, que nous sachions, de limites connues ; et l’expérience ne nous fait pas savoir, non plus, quelles sont les parties des mathématiques qui seront utiles. L’utilité ne peut donc être qu’une consolation dans les instants de découragement, non pas un guide pour la direction de nos recherches.

En ce qui concerne la santé morale, et le