Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
GUILLAUME DE SAINT-AMOUR.

Se cil devant Dieu li demande,
Je ne respont pas de l’amande.
Li sans Abel requist justise
Quant la persone fu ocise.
Por ce que vous véez à plain
Que je n’ai pas tort, si le plain ;
Et que ce soit sanz jugement
Qu’il sueffre cest escillement,
Je le vous monstre à iex voians,
Ou droiz est tors et voirs noians.

Bien avez oï la descorde[1]
(Ne covient pas que la recorde)
Qui a duré tant longuement
(.Vij. ans tos plains entirement)
Entre la gent Saint-Dominique
Et cels qui lisent de logique[2].

  1. Voyez plus loin les pièces relatives aux ordres religieux et à l’Université.
  2. Je ne puis laisser passer ce mot sans l’accompagner d’une explication accessoire qui me paraît fort importante. L’enseignement de la logique dans les écoles, opéré par suite de l’engouement conçu au 12e siècle pour Aristote, fut une chose bien fatale pour les études littéraires, et qui retarda de beaucoup leurs progrès. Auparavant on avait un système d’enseignement qui comprenait ce qu’on appelait les sept arts, savoir : la musique, la rhétorique, l’astronomie, l’arithmétique, la géométrie, la théologie et la grammaire. Dans cet ordre d’études divisé en deux parties, dont l’une s’appelait trivium et l’autre quadrivium, rentrait la lecture des principaux auteurs de l’antiquité, et surtout d’Homère, de Virgile, de Cicéron. Il est facile de s'en convaincre en parcourant les écrits d’Abeilard, de Jean de Salisbury, et surtout le Verbum abbréviatum de Pierre-le-Chantre. Il paraît même qu’on abusait quelquefois de cette érudition de fraîche date, puisque nous la retrouvons jusque dans les sermons, et que Bernard de Chartres disait plaisamment, en faisant allusion à cette manie de citer les anciens auteurs, que les savants de son temps étaient comme des nains montés sur les épaules de géants afin de voir plus loin qu’eux au moyen de ces se-