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ET DOU DESCROIZIÉ.


    les croisades elles-mêmes ; il prend seulement prétexte de leurs inconvénients pour injurier, et encore au profit de la Terre-Sainte, les moines et les prélats, dont il paraît qu’il était l’ennemi intime. Alors en effet on n’attaquait pas encore le dogme, ni le fait en résultant, ni le Dieu ; on critiquait tout simplement le ministre, parce qu’on pressentait instinctivement et sans s’en rendre compte que c’était là miner les prémisses. Quel motif d’ailleurs plus puissant que la dévotion pouvait invoquer le poëte ? quelles invocations plus pressantes pouvait-il adresser aux dévots en un temps de croyance et de foi ? J’avoue enfin que je ne vois guère les raisons irréfutables que, selon Legrand d’Aussy, le descroisié donne à son interlocuteur : le croisié, ce me semble, lui répond fort sensément.

    Je me demande également où Legrand d’Aussy a pu rencontrer dans les huit vers qui composent chacune des deux dernières strophes quelque chose de burlesque et qui révolte le lecteur. Je ne crois pas non plus que Rutebeuf ait changé de ton pour plaire à saint Louis : selon moi, il n’en avait pas besoin puisque, loin d’aller contre les désirs de ce prince, il les favorisait de sa parole et de ses exhortations.