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XVII
PRÉFACE.

généreux envers lui. Il dut évidemment recevoir aussi les libéralités du comte de Nevers, d’Ancel de l’Isle-Adam, dont il a célébré le trépas, de Geoffroi de Sargines, d’Érart de Valeri, dont il a vanté les glorieuses vies, etc. D’ailleurs les poëmes dont nous parlons lui étaient, on peut le conjecturer avec quelque apparence de raison, commandés par les familles de ces morts illustres. Il nous apprend (voyez, t. I, page 36) « qu’il a chanté sur les uns pour plaire aux autres, » et (voyez, t. II, page 226) que la vie de sainte Elisabel (Élisabeth de Hongrie) lui fut ordonnée par Érart de Valeri, qui la voulait offrir à la reine Ysabelle de Navarre. Il faut ajouter aussi que l’ardeur déployée par Rutebeuf pour défendre l’Université dut lui valoir les bonnes grâces des chefs de ce corps.

Par malheur les croisades éloignaient, comme il dit, les bonnes gens, et en l’absence des grands seigneurs les présents devenaient rares pour les trouvères. Les expéditions d’outre-mer d’ailleurs tarissaient tous les trésors, excepté, selon lui, ceux du clergé[1]. Aussi notre poëte écrit-il qu’à présent on donne peu ; — que chacun préfère garder ce qu’il a ; — que les plus riches sont les plus chiches, etc.

  1. On lit dans une pièce intitulée De nostre Seignour, que j’ai imprimée page 37 de mon Rapport au ministre de l’instruction publique :
    Nostre pastor gairdent mal lor brebis :
    Ke devanront li riche garnement
    K’il aquastent asseis vilainement
    Des faus louiers k’il ont des croixiés pris ?