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LI DIZ DE LA VOIE DE TUNES.

Or vuet de douce France et partir et tornei :
Dieux le doint à Paris à joie retorneir !

Et li cuens de Poitiers, qui .i. pueple souztient,
Et qui en douce France si bien le sien leu tient
Que .xv. jors vaut miex li leux par où il vient,
Il s’en va outre meir, que riens ne le detient.

Plus ainme Dieu que home qui emprent teil voiage,
Qui est li souverains de tout pélerinage
Le cors mettre à essil et meir passer à nage
Por amor de celui qui le fist à s’ymage.

Et messires Phelipes[1] et li boens cuens d’Artois,
Qui sunt preu et cortois et li cuens de Nevers
Refont en lor venue à Dieu biau serventois :
Chevaliers qui ne suit ne pris pas .i. Nantois,

Li boens rois de Navarre[2], qui lait si bèle terre
Que ne sai où plus bele puisse-on troveir ne querre,
Mais hom doit tout laissier por l’amor Dieu conquerre :
Ciz voiages est cleis qui paradix desserre.

Ne prent pas garde à choze qu’il ait éu à faire ;
S’a-il asseiz éu et anui et contraire :
Mais si con Dieux trouva saint Andreu débonère,

  1. Philippe, surnommé depuis le Hardy, fils de saint Louis, Robert, comte d’Artois, frère du roi, et Tristan, comte de Nevers, frère de Philippe. Le poëte présente leur départ comme un hommage, comme un hymne à Dieu.
  2. Thibaut V. (Voyez la pièce intitulée La Complainte au roi de Navarre.)