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LI DIZ DE LA VOIE DE TUNES.

Pour celui Roi servir où il n’a point d’ameir.
Qui ces .ij. rois vodra et servir et ameir,
Croize soi, voit après : mieulz ne puet-il semeir.

Ce dit cil qui por nos out asseiz honte et lait :
« N’est pas dignes de moi qui por moi tot ne lait.
« Qu’après moi vuet venir, croize soi, ne délait ;
« Qui après Dieux n’ira mal fu norriz de lait. »

Vauvaseur, bacheleir plain de grant non-savoir,
Cuidiez-vos par desà pris ne honeur avoir ?
Vous vous laireiz morir et porrir vostre avoir,
Et ce vos vos moréiz, Diex nou quiert jà s’avoir.

Dites, aveiz-vos plèges[1] de vivre longuement ?
Je voi aucun riche home faire maisonnement ;
Quant il a assouvi trestout entièrement
Se li fait-on .i. autre de petit coustement[2].

Jà coars n’enterra en paradyx célestre,
Si n’est n’uns si coars qui bien n’i vouxist estre,
Mais tant doutent mesaize et à guerpir lor estre,
Qu’il en adossent Dieu et metent à sénestre.

Dès lors que li hons naît a-il petit à vivre ;
Quant il a .xl. ans, or en a mains on livre.

  1. Voyez page 121, note 1.
  2. M. de Lamartine a dit :

    « Il est là, sous trois pas un enfant le mesure, »

    et Montaigne : « Il n’y a pas d’homme si grand que six pieds de terre ne lui fassent raison. »