Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Des Béguines,


ou ci encoumence


LI DIZ DES BÉGUINES[1].


Mss. 7633, 7615.
Séparateur



En riens que Béguine die
N’entendeiz tuit se bien non ;
Tot est de religion
Quanque hon trueve en sa vie :

  1. Cette pièce est imprimée dans le tome II des Fabliaux de Méon, pages 37 et 38, à la fin d’une dissertation sur les étymologies due à Barbazan, qui a joint au texte une traduction littérale, par laquelle, dit-il, « on verra combien il est difficile d’approcher de la beauté de l’original. » Cette pièce est en effet remarquable par la finesse de son ironie et par la pensée qui y préside. J’ajouterai cependant que tout le monde n’a pas traité les Béguines aussi durement que Rutebeuf. Thomas de Cantimpré parle de leurs mœurs avec éloges et s’étend beaucoup sur leur piété ; mais un écrivain postérieur, Villon, les a fort décriées en leur faisant dans son testament le legs que voici :

    Item, aux frères mendians,
    Aux dévotes et aux Béguines,
    Tant de Paris que d’Orléans,
    Tant turlupins, tant turlupines,
    De grasses soupes jacobines *

    * Ayant cherché par curiosité dans un vieux Cuîsinier françois ce que Villon avait pu entendre par soupe jacobine, j’ai trouvé qu’on nommait ainsi jadis (car le mot et le mets n’auraient plus de sens aujourd’hui) « un potage fait avec de la chair de perdrix et de chapons rôtis, désossés, et hachés bien menu avec du bouillon d’amande qu’on verse sur du pain bien mitonné et sur un lit de fromage. On le nourrit avec ce bouillon, dans lequel on délaye des jaunes d’œuf ; puis on passe la pelle rouge dessus. » Cette explication culinaire m’a semblé curieuse à rapporter.