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DE FRÈRE DENISE.

Mult par est contrère sa pensse
Au bon pensser où ele pensse ;
Mult est lor penssée contrère,
Car cele pensse à li retrère
Et oster de l’orgueil du monde,
Et cil, en qui pechié soronde,
Qui toz art du feu de luxure,
A mis sa penssée et sa cure
A la pucele acompaignier
Au baing où il se veut baignier,
Où il s’ardra, se Diex n’en pensse,
Que jà ne li fera deffense,
Ne ne li saura contredire
Chose que il li veuille dire.
A ce vait li Frères penssant,
Et ses compains en trespassant,
Qui s’esbahist qu’il ne parole,
Li a dite ceste parole :
« Où pensez-vous, frère Symon ? »
— « Je pens, fet-il, à .i. sermon,
Au meilleur que je pensaisse oncques. »
Et cil respont : « Or penssez donques ! »
Frère Symons ne puet desfensse
Metre en son cuer que il ne pensse
A la pucele qui demeure ;
Et cele désirre mult l’eure
Qu’ele soit çainte de la corde :
Sa leçon en son cuer recorde
Que li Frères li a donée.
Dedenz .iij. jors s’en est emblée
De la mère qui la porta,
Qui forment s’en desconforta.