Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
LE MARIAGE RUTEBEUF.

Grant loisir[1] a de sauver s’âme :
Or géunt[2] por la douce Dame,
Qu’ele a loisir,
Et voist de haute eure gésir,
Qu’el n’aura pas tout son désir,
C’est sanz doutance.
Or soit plaine de grant soufrance,
Que c’est la plus grant[3] porvéance
Que je i voie.
Par cel Seignor qui tout avoie[4],
Quant je la pris petit avoie
Et ele mains :
Je ne sui pas ouvriers des mains ;
L’en ne saura jà où je mains
Por ma poverte :
Jà n’i sera ma porte ouverte,
Quar ma meson est trop déserte
Et povre et gaste,
Sovent n’i a ne pain ne paste.
Ne me blasmez se je me haste[5]
D’aler arrière,
Que jà n’i aurai[6] bele chière :
L’en n’a pas ma venue chière
Se je n’aporte ;
C’est ce qui plus me desconforte,

  1. Ms. 7633. Var. Boen loisir.
  2. Géunt, qu’elle jeûne.
  3. Ms. 7615. Var. Millor.
  4. Avoie : ce mot vient de avoier, diriger, conduire, et non de avoir ainsi que son homonyme du vers suivant.
  5. Ms. 7633. Var. Se ne me haste.
  6. Ms. 7633. Var. Ferai.