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NOTES

On a considéré jusqu’ici cet ouvrage comme étant l’œuvre de Guillaume de Saint-Amour seul : c’est une opinion inexacte. Voici comment lui-même explique qu’il n’en fut que l’un des collaborateurs : « Les prélats de France, sollicités de préserver l’Église gallicane, qui leur était confiée, des périls des derniers temps, qui doivent arriver par les prédicateurs fourbes et pénétrants dans les maisons, ayant chargé les maîtres parisiens de recueillir et de traduire dans leurs écrits les passages de la divine Écriture et des canons qui parlaient de ces choses, plusieurs maîtres et moi, après avoir réuni toutes ces autorités, nous les avons placées en un volume sous certains titres. »

Les Dominicains répondirent à cette diatribe en vantant autant que possible le livre de l’Évangile éternel, attribué à Jean de Parme, et tiré en partie des œuvres d’un certain abbé Joachim condamné par le pape Grégoire. Ils firent mieux : en 1256 ils obtinrent des bulles d’Alexandre IV qui menaçaient les académiciens récalcitrants de l’excommunication après avoir été avertis, et même, si opus fuerit, auxilio brachii secularis. Comme on voit, les choses s’envenimaient, et des paroles on voulait passer aux faits[1].

Cependant la querelle sembla un moment sur le point de s’apaiser : les Dominicains jurèrent la paix et les partisans de l’Université se calmèrent ; mais le pape ne permit pas qu’une réconciliation s’opérât. En effet, il lança une bulle dans laquelle il déclare que, regardant la paix jurée par les religieux comme blâmable, et afin que la révolte des universitaires ne soit pas une occasion de schismes à l’avenir, il prive Guillaume de Saint-Amour et Eudes de Douai, docteurs en théologie, ainsi que les maîtres Nicolas de Bar-sur-Aube, et Chrétien, chanoine de Beauvais, en leur qualité de principaux excitateurs de cette rébellion, de toutes leurs dignités et leurs bénéfices, ainsi que de

  1. Voici ce qui excitait le plus les religieux, si l’on s’en rapporte à Mathieu Paris, qui écrit ceci à l’année 1256 de sa Chronique : « Le peuple supprima les aumônes aux Frères, les appelant hypocrites, successeurs de l’Antechrist, pseudo-prédicateurs, adulateurs de princes et de rois, entreurs furtifs de lits royaux (Thalamorum regalium subintratores), prévaricateurs de confessions, etc. »