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ET ECLAIRCISSEMENTS.

vous que Dieu est au ciel. » Elye enseigne ensuite à son fils que, lorsqu’il sera au camp ou en bataille et qu’un chevalier viendra pour l’attaquer, il devra éperonner son destrier, baiser son épée, la brandir, et s’élancer sur son ennemi en criant : Montjoie et Karlemaine ! L’hermite donne après cela à Aiol un bref qui a le pouvoir de garantir du feu et de l’eau. Le duc lui ceint son épée, et le jeune homme part.

Comme on voit, tout ce début est animé, dramatique, et représente assez fidèlement une scène qui, à cette époque, devait se renouveler souvent. Par malheur la suite du roman, sans en arriver jamais à être complètement dénuée d’intérêt, ne l’excite pas toujours au même degré que la partie dont nous venons de donner l’analyse. Cela tient à la multitude des aventures qui s’y croisent, et surtout à la profusion d’attaques dont Aiol est l’objet de la part de brigands. Ces épisodes reviennent à chaque pas dans le livre ; mais le romancier a su jeter dans son ouvrage un personnage fort amusant, et qui devait le paraître encore bien davantage au 13e siècle qu’aujourd’hui. Ce personnage n’est autre chose que Marchegai, le bon cheval du duc Elye. À chaque instant il défend son maître, il l’aide, il le sauve des plus grands périls par son adresse et son affection ; enfin Marchegai m’a rappelé le cheval du Bohémien dans Quentin Durward.

Je ne suivrai pas Aiol à travers la foule d’événements auxquels il se trouve mêlé. Il me suffira de dire qu’arrivé à Orléans, il est très-bien accueilli, sans en être connu, par la comtesse Ysabeau, sœur du roi Louis, et aimé de la belle Lusiane, sa cousine, fille d’Ysabeau et nièche du roi de sains Denise. Bientôt après il se distingue devant le roi, devient son favori, se fait aimer de tout le monde, excepté de Makaire de Losane, et envoie à son père une partie des richesses qu’il a obtenues par sa valeur.

Cependant un messager nommé Tornebeuf, espèce de monstre donné par le roi de Nubie au roi de Pampelune Mibrien, arrive à la cour de Louis. Il défie ce prince au nom de son maître, et soutient que Mahomet et Apollin