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NOTES

jor s’il ne boit trop. Volez-vos donc que je vos apreigne, de par Dieu, à gairir dou mal des denz ? — Dites-vos oil ou nenil ? — Se vos le volez, de par Dieu, et ge le vos aprendrai liement. — Ge vos dit, beax amis, prenez-moi un estront de vielle ânesse, et un estront de chat, et une crote de rat, et une fuelle de plantein, et un estront de putain ; si les pestelez tout nestement en un mortier de coivre à un pestau de fer, par force d’ome. Si me prenez un poi de cellande du diaton, et panele et manviele, et comal et tormal et de l’erbe Robert[1], et si meteiz un pié de reine de l’onbre du fossé de brine. Ce sont ore les bonnes herbes que je vos di. Si metez un poi de sain de marmote et de l’estront de la linote, et si metez de l’estront à la charrée de Troies et de l’estront à la croteuse de Ligni ; ne 1’ metez en oubli. Prenez toutes ces bones espices ; si m’en faites .i. gentill pastel tout net, si le me couchiez sor vostre joue, et du jus lavez-vos bien vos denz, et puis dormez un poi. Ge di que vos en seroiz gariz se Diex velt. Ce n’est pas engien[2] que je vos di, et si ne vos coste goute d’argent. Ge vos di que je ne sui ne mires ne herbiers ; ainçois vos di que je sui uns venerres, uns chacierres de bois ; si vos di que nos somes encor .iiii. frère. Ge di que li .iiii. frère ont encor .xv. chien ; je di que li .xv. chien sont bien armez de bon colier de fer à broches d’acier ; ge di qu’il chacent as bestes sauvaiges et prannent en la forest Airdenne. Ge vos di que mes oignemenz est confiz et profiz et parez, et fonduz des bestes dont ge vos ai dit.

  1. Je ne sais ce que c’est que l’erbe Robert : c’est pourquoi je vais établir un rapprochement qui paraîtra peut-être forcé. On lit dans La bataille des VII arts, espèce de Lutrin du 13e siècle :

    Et cil hardi cirurgîen,
    Cil de rue nueve Robert,
    Et cil de Glatini Hubert, etc…


    Je n’ose pas affirmer que ce soit du chirurgien Robert dont il est question ici que parle l’Erberie, ni que de lui fût venu à l’herbe que veut désigner Rutebeuf le mon d’erbe Robert ; mais cela n’est pas non plus impossible. Je me borne donc à un simple rapprochement.
  2. Tromperie.