Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/53

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C’est la Paiz de Rutebues,
ou
LA PRIÈRE RUTEBUEF.

Mss. 7633, 7615.
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Mon boen ami Diex le mainteingne[1] !
Mais raisons me montre et enseingne
Qu’à Dieu fasse une teil prière :
C’il est moiens[2], que Diex l’i tiengne,
Que puis qu’en seignorie veingne
G’i per[3] honeur et bele chière !
Moiens est de bele menière
Et s’amors est ferme et entière
Et ceit bon grei qui le compeingne ;
Car com plus basse est la lumière,
Miex voit hon avant et arrière,
Et com plus hauce, plus esloigne.

Quant li moiens devient granz sires,
Lors vient flaters et naît mesdires ;
Qui plus en seit, plus a sa grâce.
Lors est perduz joers et rires :
Ces roiaumes devient empires[4]

  1. Ms. 7615. Var. Mi bon ami Diex les meinteigne !
  2. C’il est moiens, s’il est dans une position ni trop haute ni trop basse.
  3. Ms. 7615. Var. Amor.
  4. Nous retrouverons souvent dans Rutebeuf ce jeu de mots entre pire, royaume et empire.