Page:Ryner - Des diverses sortes d’individualisme, 1922.djvu/13

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à rien de réel ; je sais très bien qu’il n’y a pas dans la nature et que l’art ne peut pas produire de cercles parfaits ; or, un cercle qui n’est pas parfait n’est pas un cercle.

En mathématiques, ma définition n’essaie pas de dire ce qui est, elle crée son objet. Il n’y a pas de cercles avant qu’on ait défini le cercle ; il n’y a pas de ligne avant qu’on ait défini la ligne ; il n’y a pas de surface avant qu’on ait défini la surface. Ce sont nos définitions mêmes qui créent la surface, la ligne, le point, le cercle.

Puisqu’elles créent, puisqu’au lieu d’essayer de recouvrir exactement quelque chose de réel, quelque chose d’antérieur à elles, elles produisent quelque chose d’idéal, ce quelque chose les recouvre exactement. Les définitions mathématiques, parce qu’elles créent leur objet au lieu d’essayer de dire ce qui est, sont exactes, sont adéquates, s’appliquent à tout le défini et rien qu’au défini.

Parce qu’elles sont adéquates, elles permettent des démonstrations exactes. Parce que, dans le cercle, il n’y a que ce que j’y mets, je découvre dans cette définition toutes les propriétés du cercle ; tous les théorèmes concernant le cercle sortent de la définition du cercle de même que tous les théorèmes sur le triangle sortent de la définition du triangle.

Mais cela est un privilège exclusif des mathématiques. À moins que nous ne voulions procéder ailleurs mathématiquement, c’est-à-dire ne nous préoccuper en rien de ce qui existe et créer l’objet de notre méditation.

Dès que nous essayons de voir un peu ce qui existe, dès que nous essayons de saisir un peu de concret, pour les raisons que je vous exposais tout à l’heure, nous ne