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ceux que j’appelais tout à l’heure les Tolstoïens, de ceux qui cherchent dans leur cœur la chaleur de la vérité.

À comprendre l’épicurisme étroitement, on supprimerait le cœur et la raison. À comprendre étroitement le stoïcisme, on supprimerait le cœur et l’instinct. À comprendre étroitement le tolstoïsme, on supprimerait l’instinct et la raison. Mais jamais, sauf des disciples naïfs et étroits ou des ennemis partiaux, personne n’a compris ainsi une grande doctrine.

Tolstoï, tout en faisant surtout appel au cœur, accorde une grande place à la raison, à la critique, à la lumière. Il n’y a pas dans l’être humain de chaleur véritable sans lumière, ni de lumière véritable sans chaleur.

Nous ne pouvons pas admettre l’une quelconque de ces doctrines prise dans un sens étroit et exclusif. Mais n’importe laquelle, si nous lui laissons le sourire, la largeur, l’équilibre que lui ont donnés ses meilleurs partisans nous conduit à la vérité individuelle.

Le parti-pris, chez les doctrinaires, est certainement dans les mots plus que dans les choses. Ils discutent parce que les uns mettent l’accent ici et que les autres le mettent là. Qu’importe, s’ils arrivent tous à la vérité totale.

Que m’importe qu’on me dise : « Vous êtes un vivant prenez parti pour la vie », ou qu’on me dise : « Vous êtes un homme, prenez parti pour l’humanité ». Pour que je sois un homme, il faut que je sois un vivant et, si je n’étais pas un homme, que m’importerait d’être un vivant ?

Les anciens se posaient des problèmes ingénieux, amusants, un peu ridicules parfois. Carnéade demandait à Chrysippe : « Aimerais-tu mieux être une raison d’homme dans