sommes si heureux… Tu as raison, Robert, Dieu pourrait se mettre en colère et nous chasser de notre bonneur.
Robert. — Eh bien ! maman, mon père et celle qui m’a servi de mère…
Blanche. — Oh ! je t’en prie, ne parlons plus de ces gens-là !
Robert. — Pourquoi ? Ne leur devons-nous pas un peu de notre joie ? À l’un, je dois la vie et vous devez votre enfant. C’est l’autre qui m’a élevé, qui a formé mon esprit et mon cœur. Si vous m’aimez tel que je suis, soyez-lui un peu reconnaissante.
Blanche, sèchement. — Que puis-je pour eux ?
Robert. — Vous pouvez divorcer.
Blanche. — Divorcer… Pourquoi faire ?… Pour qu’ils s’épousent, n’est-ce pas ?… Ah ! non, ils se moqueraient trop de moi.
Robert. — Ils vous admireraient, ils vous aimeraient.
Blanche. — Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse, de leur amitié ?
Robert. — Écoutez, maman… Auprès d’une mère heureuse je parle pour une mère malheureuse. Écoutez. C’est un frère qui mendie un peu de bonheur pour son frère.
Blanche. — Que veux-tu dire ?
Robert. — Maman, vous aurez pitié d’une maman. Elle est enceinte.
Blanche. — Qui, elle ?
Robert. — Louise… Vous ne voudrez pas que mon frère soit un bâtard.
Blanche. — Est-ce ma faute, à moi ?
Robert. — Ce n’est pas la faute de mon frère.
Blanche. — Tant pis pour eux. C’était à eux de prévoir les conséquences de leur crime… et de ne pas le commettre.
Robert. — Maman, vous qui êtes si bonne…
Blanche. — Être trop bonne, ce serait être bête… Est-ce que c’est à moi de réparer les fautes des autres ?
Robert, l’embrassant. — Si tu savais, maman. Ils voulaient se tuer.
Blanche, lui rendant distraitement son baiser. — Eh bien ! qu’ils se tuent, s’ils veulent. Qu’est-ce que ça peut me faire, qu’ils se fassent justice ?