Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/135

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folie d’amour, pour faire le salut de leur prochain.

J’écarte cette difficulté. Je me promets de ne jamais croire que la parole de Dieu sorte de bouches étrangères, de ne jamais l’écouter que dans ma conscience.

Puisque je dois aimer mon prochain comme moi-même, je me demande, non sans inquiétude, comment je m’aime. Tout est-il aimable en moi aux yeux de la sagesse ? Ne s’élève-t-il pas en moi de puantes pensées que je chasse, des désirs insensés que je comprime ? Ne s’y chuchote-t-il pas mille suggestions auxquelles j’impose silence ? Et tout cela peut-être n’est point moi. Mais il faut donc que, pour aimer mon prochain selon la règle de Jésus, je sache d’abord m’aimer moi-même et me connaître. Le précepte d’amour a besoin d’être précédé d’un ou de plusieurs autres. Jésus commence par la fin et il veut moissonner ce qu’il a négligé de semer.

« Aime »… Peut-on s’ordonner d’aimer ? Ai-je sur mes sentiments un pouvoir direct ? Décidément Jésus me paraît, peut-être par trop de sagesse spontanée, un mauvais maître de sagesse. Artiste trop doué qui n’a pas eu d’effort à faire, qui n’a pas eu besoin d’apprendre, il m’écarte en souriant de tout apprentissage et il veut me jeter pour mon