Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/147

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tuel, recule comme une timidité devant toute question de conduite. Étudiée dans les Lettres à la princesse Elisabeth, son éthique est voisine du stoïcisme. Malheureusement, sa prudence ne lui permit de faire connaître à ses autres contemporains que cette fameuse « morale provisoire » où il se promet d’obéir aux lois de son temps et de son pays. Il semble que l’homme du « doute provisoire » aurait dû être l’homme de l’abstention provisoire, non de l’action conformiste. Ce grand individualiste intellectuel reste, en pratique, si j’ose dire, un individualiste théorique et confidentiel ; mais il affirme publiquement un anti-individualisme « provisoire » qu’il a soin de ne jamais remplacer par l’expression définitive de sa pensée secrète. Je ne saurais aimer, sur le plan éthique, cet individualiste honteux.

Hélas ! dans tous les temps modernes, il est difficile de trouver un subjectivisme complet et harmonieux. Il semble que le philosophe ne vive plus que par la tête et mérite l’apostrophe de Gassendi à Descartes : Ô mens ! (Ô esprit !). Spinoza, si libre en face de la tradition et de la bible, reste serf en politique. Il ne méprise pas le despotisme ; son étrange absolutisme reconnaît le droit du tyran sur tout mon être, sauf sur ma