Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/156

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terrestre, ni les extériorités un peu légères d’un paradis d’outre-tombe. S’il lui reste, comme à Tolstoï, des sentiments religieux, c’est en lui-même, en lui seul, qu’il fait éclore « le Royaume de Dieu ». Sa vertu ne repose pas sur le calcul imbécile et vite branlant qui croit la vertu la meilleure des politiques. Elle est le victorieux amour de sa propre beauté et de sa propre force. Il s’éloigne, dédaigneux, de toute politique. Parce que toute politique est laide par ses gestes, par le lieu où se font ses gestes, par le but vers quoi tendent ses gestes. Odieuse par ses moyens, elle se précipite âprement, agressivement, vers la fange impérialiste des désirs bas et grossiers.

L’erreur d’Herbert Spencer a plus d’inconvénients pratiques qu’on ne croirait d’abord. Ses espérances naïves entraînent souvent le philosophe anglais à des opinions politiques ; il lui arrive de préférer telle loi à telle loi et de prendre position dans la lutte concrète entre les partis.

Regardons plus profond. La vraie sagesse individualiste peut-elle survivre en moi si je me tourne vers l’avenir extérieur et l’espoir objectif ? Mon devoir ne devient-il pas alors de travailler au Progrès, non plus à mon progrès ; d’oublier l’effort de me sculpter pour dédier mes coups de ciseau