Page:Ryner - Le Massacre des amazones, Chamuel.djvu/184

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d’extraire de plusieurs gros tomes de mémoires un tout petit volume. Dans cette besogne, ses ciseaux coupent au hasard, sans patron, sans hésitation, sans discernement. Elle est, naturellement, bien incapable de recoudre ; mais elle ne prend même pas la peine d’indiquer par des notes ou par de faciles signes typographiques les lacunes les plus graves ; elle ne distingue pas les différentes parties. Elle entraîne le troupeau de jeunes filles qu’on lui confie dans des paysages sans route et sans lumière, ne s’aperçoit pas qu’elle marche à l’aveuglette, n’éprouve jamais le besoin de savoir où elle est. Incapable de s’orienter, elle va n’importe où et, les trois cents pages parcourues au petit bonheur, s’arrête où elle se trouve, déclare le voyage fini et son intérêt épuisé.

Et ce guide inepte, déplorablement muet devant les difficultés du parcours, s’amuse avant le départ à de longs bavardages de cicérone. Mme Carette n’est pas seulement née Bouvet, elle est bien élevée, et elle triomphe dans l’art des présentations. Elle annonce Mme Roland, ce stoïcien, avec le même sourire fade que Mademoiselle de Montpensier, cette gamine capricieuse. Je me trompe. Mme Carette est trop née pour oublier que Mademoiselle de Montpensier est de sang royal, et elle ne commettrait pas l’incorrection de montrer autant de respect à la Roland, cette plébéienne.