Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/34

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— Qu’appelles-tu gloire, ô voix avinée ? Je connais la gloire de Socrate, la gloire d’Épictète, la gloire de Spinoza. Mais la renommée de Napoléon, comédien et tragédien, assassin et mari ensemble complaisant et jaloux, n’est-ce pas la plus vaste des infamies ? Méprisé de ceux qui ont une âme, il doit subir, honte dernière, l’admiration des êtres de platitude et d’avidité. Il est condamné à porter à travers les siècles cette couronne de boue et de bave, l’enthousiasme de nos stendhaliens.

— Mais son œuvre ?… Gigantesque et solide… Songes-y : tu obéis encore à Napoléon.

— Je porte sur mes épaules le poids de codes qui lui furent des instruments de règne et qui semblent durer encore, cadavres pourrissants. Le malheureux ouvrier a manqué sa besogne mais il a laissé derrière lui les outils qu’il maniait avec ironie. L’édifice s’est écroulé sur lui, mais ses échafaudages ruineux dressent toujours le grotesque témoignage de son impuissance.

Et, secouant la tête, le jeune homme demanda :

— Ne rencontrerai-je donc aucun port ? Aucun idéal de vie n’émergera-t-il au-dessus de mon mépris ?

— Tu nous as toutes repoussées ! glapirent les voix.

— N’y aurait-il que vous, infâmes servilismes, et vous, dominismes brutaux ?

— Oui, nous sommes toutes les morales.

— Plus haut que les morales, je crois entrevoir deux sommets : l’Amour et la Sagesse ; le Christianisme et… comment dirai-je ?… l’Individualisme.

Vêtus de longues robes noires, des fantômes peuplèrent la petite chambre. Et ils criaient :