Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je ne demande pas l’effort d’une fois et je n’offre pas la joie d’un jour. Que ta main prenne chaque circonstance comme un ciseau pour te sculpter. Fais tomber, débris informe, tout ce qui n’est point toi. La statue un peu chaque jour se dégagera.

— Il me semble que je n’agirai guère au dehors.

— « Abstiens-toi » est une des premières paroles que prononce la Sagesse. Elle te la répètera souvent, surtout dans les commencements.

— Quand j’aurai réussi, que me restera-t-il ?

— Il te restera toi.

— Mais encore ?… Précise. Que suis-je et que serai-je ? Quelles paroles me définiront ?

— Une richesse vivante ne s’enferme point aux pauvretés rigides d’une définition.
.............................

Regarde, mon fils. Par un chemin sûr, tu as rejoint Jésus. Toi aussi, maintenant, tu aimes les hommes ; toi aussi, tu as soif de te donner. Va et donne-toi. Instruit à ton effort continu pour te saisir dans ta réalité, tu ne risques plus de te donner aux folies et aux mensonges, aux forces de haine qui grimacent l’amour ; tu ne risques plus de te donner à une de ces courtisanes : doctrines, partis, religions, patries. Tu es un vivant et tu n’es plus tenté de te livrer comme un cadavre et comme une arme aux puissances jalouses qui crient : « Hors de moi point de salut ! » Ce qui divise les hommes et les parque en troupeaux hostiles, cela seul t’apparaît ennemi. En ton frère, c’est l’homme profond que tu aimes, l’homme profond, non les masques superposés où grimacent notre temps et notre pays. C’est