absurdes. Si tu parlais à César et devant une foule, tu serais le personnage moitié tragique, moitié comique, qui fait rire les gens de bon sens et qu’applaudissent les imbéciles. Maintenant il n’y a ici ni le peuple ni César. Et tu es l’acteur ridicule qui déclame sans public et sans interlocuteur.
J’ai toujours un public, les dieux. J’ai toujours un interlocuteur, moi-même.
Eh ! bien, et moi, je ne compte pas à tes yeux ?
Que tu sois là ou bien César, ni César ni toi n’est mon véritable interlocuteur. Vous êtes des circonstances. Toute circonstance doit servir au sage à se connaître et à se réaliser. Sur les bouges comme sur les temples il faut savoir lire le double avertissement que les dieux ont écrit partout : Connais-toi toi-même ; sois toi-même. Chaque circonstance fait que le sage parle aux dieux et à lui-même. Mais lorsque, véridique ou trompeuse, la circonstance porte une figure humaine, les dieux veulent que le sage parle à haute voix et leur rende un témoignage courageux.
Epictète, ô vieux petit homme boiteux, laid et pauvre, hier esclave d’Epaphrodite, demain esclave de celui à qui César te livrera, c’est à moi qui suis libre d’infirmité et de pauvreté, à moi qui suis beau et jeune, à moi qui suis l’ami de l’impérator, que tu oses parler comme si je n’étais pas un homme…
Tu n’es pas un homme, en effet.