Je crains de t’étonner, Serenus, mais mes yeux entendent plus de musique que mes oreilles, et mon esprit en entend plus que mes yeux. Toi, tu me parais un pauvre spectateur : les évolutions du chœur autour de la thymélé ne sont pas musicales à tes jeux sourds et ils n’entendent point la plus divine des musiques, la danse grave et bien rythmée des astres. Voici que le soleil, brillant coryphée, après un prélude aimable, chante très haut et les étoiles, choristes obscurcis, se taisent.
Tu es un bien subtil musicien, Epictète.
Regarde les gestes de ta Serena qui s’éveille. Certes, son visage, son corps, son allure forment toujours une musique, et je soupçonne que tes yeux entendent quelquefois. Mais, au matin, elle est une voix plus naïve et plus pure et chacun de ses mouvements chante comme une enfance.
Que dit-il, mon bien-aimé ?
Il compare ton réveil au réveil du soleil.
Tu viens d’entendre, ô Serenus, une musique que je n’ai point chantée. Ce que tu as entendu est peut-être aimable et banal comme un sourire de complaisant ; peut-être aussi c’est beau et rare comme le sourire de celui qui vient de comprendre une grande chose… Mais je vais te dire ce qu’est ma chanson en l’honneur des dieux. Elle a commencé le jour où j’ai compris les paroles de Zénon et de Cléanthe et elle finira le jour où les dieux m’enverront la mort. Chacune de mes actions —