Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/223

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semble crier, par des bouches innombrables, la folie, la sottise, l’orgueil, la bassesse des parasites, et des complaisances de mignons, et des avidités de pauvres. Voici que peu à peu le grouillement se fige et les bruits se taisent. Précédé de licteurs et accompagné de deux greffiers qui portent des tablettes, le questeur provincial vient de paraître à l’entrée du forum.

Il donne un ordre et le greffier qui est à sa droite lit un décret du divin Domitien… César, bienfaisant jusque dans ses plus légitimes colères, a songé que la plupart des philosophes sont trop pauvres pour faire les frais d’un voyage par mer. Il n’a pas voulu leur imposer les fatigues et les périls d’une longue marche jusqu’en Gaule. Il a fait préparer pour eux deux navires. Le premier débarquera chez les Ligures ceux qui désirent rester voisins de la clémence impériale. Les autres iront, sur le second vaisseau, en Épire et en Grèce.

Quand le greffier se tait, un grand bruit s’élève, fait de mille conversations joyeuses, furieuses, discuteuses. Mais un geste du questeur commande le silence.


le questeur

Je vais appeler vos noms. Chacun dira sa préférence. Si quelqu’un est suivi de disciples qui ne soient point nominativement exilés, qu’il fasse la déclaration pour eux en même temps que pour lui-même.

Une courte attente, puis


le questeur, commençant l’appel

Caïus Trufer, cognominé Porcus, épicurien.


porcus

Je vais en Grèce. La cuisine y est bonne, les parasites y ont de l’esprit, les éphèbes y sont beaux et les courtisanes ingénieuses.