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CHAPITRE III

Les Rencontres


Épictète et Arrien marchaient lentement. Couronné de cheveux blancs qui débordaient le piléus et prolongé d’une barbe blanche, le visage d’Epictète était calme comme un dieu. Son austérité n’avait rien de triste, mais la lumière discrète et continue de la joie l’éclairait comme une lampe d’autel qui ne s’éteint jamais.
Arrien aussi portait sur son visage une clarté de bonheur. Ses gestes contenus et eurythmés chantaient la jeunesse et la force souple. Il écoutait respectueusement ou parfois interrogeait. Son visage avait encore je ne sais quoi de flottant et d’enfantin. Le blond de ses cheveux et de sa barbe courte, frisée comme des copeaux, faisait, avec le blanc et le rose de son teint, un grand sourire. Mais certains mots d’Epictète allumaient au bleu de ses yeux une flamme de courage ou de curiosité. L’esprit d’Arrien se réjouissait comme le voyageur devant un spectacle admirable et nouveau ; la volonté d’Arrien se réjouissait comme l’athlète qui sent grandir ses forces.
Tout à l’heure, pour sauter quelques débris éboulés du mont Testacius jusque sur la route, il avait donné la main à Épictète. Son mouvement s’était déployé, comme une fierté joyeuse, pour soutenir l’homme qu’aimaient son admiration et sa reconnaissance.
Maintenant, sur sa demande, Epictète racontait l’entrevue avec le prêteur. Le récit finissait, quand Arrien se retourna