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épictète

Et moi je crains, Serenus, que, pour supprimer la grossièreté de certains mots, vous ne supprimiez les choses mêmes et leur beauté. Les épicuriens me paraissent semblables à des montagnards qui n’ont jamais vu la mer. Dans les fables qu’ils entendent sur Neptune, ils aperçoivent des impossibilités ou des invraisemblances ; et ils nient l’existence même de l’Océan.


serenus

Ta similitude ne s’applique point à nous, mais à d’autres. Ce sont les Eléates qui nient le monde ; ce ne sont pas les épicuriens.


épictète

Tu as raison. Vous êtes comme des gens qui affirment la mer, mais ils ne veulent point voir sa vie et sa beauté. Ils nient à la fois le Neptune populaire, homme, barbe et trident, et le Neptune philosophique, qui est l’ordre merveilleux de la mer. Ils prétendent que les marées s’agitent au hasard et ils nient la Loi qui soulève et apaise, à des intervalles réguliers et dans des limites précises, le sein innombrable de l’Océan.