Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/111

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partout, même dans le ruisseau, l’indispensable pain d’amour. Comme il la chante merveilleusement, la paix de la tour protectrice,

La paix où l’on aspire alors qu’on est bien soi !

Comme il les aime,

Ce lit dur, cette chaise unique et cette table !…

À ce moment, le pauvre être qui avait péché, sans y prendre garde, par « fureur d’aimer », eut la volupté du remords chrétien. Il se convertit en pleurant :

Oh ! qu’il fut heureux, mais, là, promptement, tout de suite !
Que de larmes ! Quelle joie !

On a osé comparer à Villon notre Verlaine sans malice et sans âpreté, notre Verlaine dont l’érotisme même n’est que rire et bonhomie. On a voulu faire de lui un poète triste, sans doute pour que notre abandon eût cette excuse d’avoir rendu plus douce et plus profonde sa poésie.

Eh bien ! non, il faut l’avouer, notre crime est double : contre l’homme et contre l’artiste. Le rossignol chanta moins bien, les yeux crevés. Verlaine ne fut pas harmonieux à cause de ses douleurs ; il fut harmonieux malgré ses douleurs.