Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/175

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Voix de musique et de lumière dans un désert noble, la voici arrivée, inconnue de tous et consciente d’elle-même, à l’harmonieuse possession de son être et à la gloire du complet épanouissement.

Car le romancier s’est formé sans nuire au poète et, si tous deux ont collaboré presque également aux Ailes brisées, le poète triomphe aux contes du Cabaret des larmes.

N’est-ce pas la Bretagne elle-même, ce cabaret des larmes, voisin de l’église et du cimetière, voisin de la mer surtout et que pénètre « sa large lamentation » ? De « tristes buveurs » s’y attablent et dans l’exil d’une « tristesse morose » s’évadent de la prison Aujourd’hui. L’un apporte « dans ses grands cheveux l’odeur parfumée des haies ». L’autre a sur ses habits les senteurs dorées de la lande. Celui-ci arrive de l’église, imprégné d’encens. La plupart tirent de leur poche et versent sur le comptoir un à un des sous qui sentent la mer.

Tous ils s’abandonnent à ce délicieux et déchirant « mal de rêver qui est le génie des Bretons ». Tous, de « leurs grands yeux bretons, malades d’idéal et de passion voilée », ils re-