Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/230

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sont vues des contemporains aussi favorablement que du poète. Leur ridicule ne se révèle qu’avec le temps et, leur ridicule reconnu, elles tombent dans l’oubli.

D’autres œuvres, au contraire, semblent d’abord uniquement des parodies qui, plus tard, apparaissent étrangement nobles. La beauté sérieuse de Don Quichotte fut longtemps méconnue ; le ridicule de Madame Bovary finira par frapper tous les yeux.

Madame Bovary est moins un roman réaliste qu’une parodie du romantisme, une longue raillerie de l’imagination et de la sensibilité, de la passion et du rêve, de toute la poésie. Et déjà la pensée ici est bafouée dans le personnage d’Homais, comme elle le sera tout le long de Bouvard et Pécuchet. Mais, parodiste des sentiments romantiques, Flaubert écrit une langue romantique, de sorte que l’avenir ne trouvera rien de plus comique chez lui que sa propre grandiloquence. Car on apercevra dans cinquante ans ce manque d’harmonie entre l’idée et la parole et dans un siècle l’œuvre incertaine ne sera plus que ruines.

Don Quichotte est immortel, parce que Don Quichotte est le contraire de Madame Bovary.