Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/329

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dit M. Bergeret, et j’y ai perdu des énergies précieuses. Je découvre sur le tard que c’est une grande force que de ne pas comprendre. Cela permet parfois de conquérir le monde. Si Napoléon avait été aussi intelligent que Spinoza, il aurait écrit quatre volumes dans une mansarde. »

Fuyant M. Bergeret, vous les prenez donc pour « des énergies précieuses », les basses avidités ouvertes vers les misérables et fangeux royaumes qui sont de ce monde ? Votre intelligence vive, alerte, capable de tout comprendre successivement, inégale à la vue synthétique qui seule donne la sérénité, hésite entre Spinoza qui put tirer de ses richesses intérieures un univers harmonieux et le pauvre Napoléon dont l’Europe conquise ne remplissait pas le vide décidément incurable. Vous y voyez mal, M. Bergeret, et vous demanderiez pour vous le supplice d’une Danaïde qui fait passer des fleuves par son tonneau sans fond plutôt que la destinée aimable de l’enfant dont la moindre fontaine remplit l’urne légère.

Fuyant M. Bergeret, tu crois peut-être m’échapper en souriant. Mais je sais le sens complexe de ton sourire.