Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/343

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La théorie du surhomme ne peut garder une originalité apparente qu’à la condition de rester une pensée incomplète et tronquée. Darwin, savant qui ne veut expliquer que le passé, connaît mieux que Nietzsche le dynamisme des causes secondes. Plotin, qui dit l’éternité, la voit plus largement et plus clairement.

Nietzsche n’est pas seulement le poète du surhomme, il est aussi le poète du grand retour. Il faut qu’éternellement nous chantions « le chant dont le nom est : Encore une fois, dont le sens est : Dans toute éternité ! » Car toute joie se veut elle-même et, se voulant, elle veut toutes les conditions qui lui ont permis de naître. En vain les peines fuient dans l’infini, tentent de se perdre au néant. Leur course éperdue est dirigée vers le renouvellement par l’âpre effort des joies qui veulent revenir les mêmes au même point. Les joies victorieuses rythment le monde. « Toute joie veut l’éternité, — veut la profonde éternité. » Et Nietzsche, « ardent de l’éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, — l’anneau du devenir et du retour », chante son amour en une danse vertigineuse.

Ainsi l’univers, délivré tout à l’heure de la