Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/345

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Lui, le veut éperdûment, pour la joie de maintenant, pour la joie d’hier, pour celle de demain. L’instant et l’éternité montent à sa tête, alcools puissants, et le grisent. D’autres ont vanté l’univers en de larges et calmes chants apolliniens ; lui l’exalte dans le désordre bondissant d’une danse dyonisienne.

Une danse ! La danse est pour lui le plus intense symbole de la joie et le rythme le plus exact de la vérité. Il écrit du philosophe : « La danse est son idéal, son art particulier, et finalement aussi sa seule piété, son culte »… Son Zarathoustra « ne s’avance-t-il pas comme un danseur ? » Ne déclare-t-il pas : « Je voulus danser au-delà de tous les cieux » ? Et encore : « Ce n’est qu’en dansant que je sais dire les symboles des choses les plus sublimes. »

L’individualisme de Nietzsche, — bruit, agitation, tumulte, orgie, plus qu’harmonie, — est moins beau que le stoïcisme ou l’épicurisme. Sa métaphysique est fille de Hegel et de Darwin, de Platon et de Plotin. Mais il clame sa pensée en images si triomphantes, il la danse au rythme de symboles si bondissants et si vertigineux qu’elle semble la fiévreuse création de quelque dieu imprévu, Bacchus barbare, ivre