Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/369

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Certes on entend monter des troupeaux de l’altruisme, de l’humanisme et du socialisme des bêlements sincères. Plus d’une jeunesse est une puérilité qui continue. Tel cerveau banalement réceptif croit qu’on peut accepter du dehors et distribuer au dehors vérité et bonheur. Tel animal généreux veut pour les autres comme pour lui les joies de porc bien nourri seules sensibles au bon ventre humanitaire qui est son être total. Il rêve, en pleurant de tendresse, d’une société bien faite et noblement circulaire où chacun restituerait en engrais matériel et moral les bonnes choses avalées par la bouche et par l’oreille. À ceux-ci comme à ceux-là, il n’y a rien à dire : ventre affamé et ventre généreux n’ont pas le temps d’entendre.

N’y a-t-il donc dans la jeunesse actuelle, qu’âpres arrivistes et naïf bétail social ? Il me semble que non.

Je crois apercevoir — avec quelle émotion fraternelle, ai-je besoin de le dire ? — un mouvement individualiste qui commence. Dans un livre écrit avant la vingtième année et dont la langue est d’une beauté précoce et sûre, Léon Vannoz hésite entre différentes noblesses apprises. Depuis il marche vers un idéalisme de